De Gaulle incarne une France que son corps, ses attitudes, le ton de son
discours doivent signifier à
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soldes ses interlocuteurs – les Alliés, les mouvements de résistance ou le
peuple français. C'est la raison pour laquelle son premier geste le 25août 1944
avait été de se rendre au ministère de la Guerre afin de «faire paraître tout de
suite la figure et l'autorité de l'État» dans la capitale libérée et de
«rassembler les âmes en un seul élan national». Là, il avait constaté que rien
ne manquait, «excepté l'État» lui-même: «Il m'appartient de
imitation ugg l'y remettre.
Aussi m'y suis-je d'abord installé[19].» L'insistance du mémorialiste tout au
long des Mémoires de guerre sur son maintien physique et sur «l'attitude raidie
et durcie» qu'il adopte, «par raisonnement autant que
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tempérament[20]», s'explique ainsi: la rection permanente du corps gaullien
manifeste la souveraineté qu'il a recueillie lors de la défaite et qu'il lui
faut mettre en scène afin d'imposer les droits d'une France bafouée, mais
réapparue, dans toutes ses prérogatives, en la personne de ce général hautain et
inflexible. L'unité du pays est au prix de la raideur qu'il saura opposer: dur
et inébranlable avec les politiques, il doit se montrer solennel et souverain
aux yeux du peuple. Son être fait ainsi apparaître ce «personnage quelque peu
fabuleux, incorporant aux yeux de tous cette prodigieuse libération[21]»,
conférant à chacun de ses gestes et à chacune de ses paroles un caractère
épiphanique. Les gestes du Général ne délivrent qu'un seul message,
inlassablement répété et dont le défilé est l'expression la plus aboutie: «me
voici[22]».
Si le mémorialiste suppose que chaque Français présent le 26août
1944 a choisi, «dans son cœur» – ce qui n'est peut-être pas le cas dans les
esprits – «Charles de Gaulle comme recours de sa peine et symbole de son
espérance», c'est au prix d'une forme de dédoublement. Dans les Mémoires de
guerre, la première occurrence de cet énallage de personne intervient lors du
ralliement des hommes de l'île de Sein, juste à la suite de l'appel du
18juin[23]. Nous ne citerons ici qu'un exemple de ce processus de disjonction et
d'incorporation progressive des composantes nationales en un corps politique
qu'emblématise la personne du Général. Il s'agit de l'épisode au cours duquel le
général Catroux, qui aurait pu s'opposer à ses prétentions puisqu'il était plus
haut placé dans la hiérarchie militaire, reconnaît publiquement l'autorité du
chef de la France libre, manifestant ainsi à ceux qui l'entouraient que «pour
Catroux, de Gaulle était, désormais, sorti de l'échelle des grades et investi
d'un pouvoir qui ne se hiérarchisait pas[24]». L'usage de la troisième personne
du singulier sanctionne bien dans ce cas un clivage entre identité privée et
statut symbolique, le mémorialiste reprenant à son compte la distinction entre
les deux corps du roi – et, par extension, à différents autres corps sociaux –
sur le modèle
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Bailey Button bottes 5803 de la double nature, humaine et divine, du Christ.
On sait que l'adjonction d'un second corps, mystique, puis politique, au corps
de chair de l'individu investi de la fonction politique permettait autrefois de
satisfaire à une exigence de continuité et de permanence de l'institution,
l'être mortel n'étant que le support transitoire d'une personne publique à
laquelle était conférée la dignité sociale[25]. Un tel procédé de disjonction et
de mise en scène du corps politique se trouve, de même, au cœur de la stratégie,
politique et narrative, du général de Gaulle.